IMG_0511[1]Mballa Landry Brice

              Le  03 Mai dernier, nous annoncions l’arrestation arbitraire du jeune MBALLA Landry Brice, technicien de bâtiment âgé de 25 ans…Sa libération au bout de 48 heures de garde-à-vue a fait étalage du business-archetype qui écume notre système judiciaire. Si d’emblée  l’argent, toujours l’argent réclamé en catimini et versé  incognito dans nos unités de gendarmerie et de police n’est pas nouveau, devrait-on en faire une  religion au point d’heurter si gravement l’éthique ? L’ENTRETIEN qui suit n’est pas seulement un indice de faiblesse des procédures déclenchées au sein de notre appareil judiciaire, mais aussi et surtout la preuve de ce que, certaines gens ont cessé d’être à leur place et devraient de toute évidence être extirpées aux risques de « polluer » ce qui en reste de cette  « machine » déjà très rouillée et affaiblie.

ENTRETIEN

CELLULE D’ECOUTE : Que s’est-il réellement passé le jour de votre enlèvement ?

LANDRY BRICE MBALLA : Je me suis rendu au lycée ce jour-là accompagné de mon frère, j’ai vu les parents de ma petite amie assis dans une boutique à quelques mètres du lycée. Lorsque son père m’a vu il voulait se lever et sa femme a touché son pied en lui faisant signe de ne pas se lever. Je me suis dirigé vers une vendeuse en face du lycée pour acheter du pain, il s’est dirigé vers moi, je l’ai salué gentiment, il m’a dit : «pourquoi tu me salue est ce que je suis ton ami ? » j’ai gardé mon calme (…) Mon frère et moi sommes rendus dans un bar non loin de là. Ils nous ont suivis.

La mère de ma petite amie me dit : « tu dis même quoi ? Pourquoi tu ne veux pas me dire où se trouve ma fille ? ». Je lui ai dit : mama vous voulez même que je vous dise quoi ? Je suis sorti pour emprunter la moto et rentrer, elle est venue m’arrêter pour m’empêcher de prendre la moto. Je lui demandé : est-ce que vous êtes la police ou la gendarmerie pour m’arrêter ? Elle m’a dit que je ne bouge pas qu’on attend la gendarmerie pour venir m’arrêter. Je suis rentré m’asseoir la moto est partie. Puis elle a appelé le CB, il est arrivé, une dizaine de minutes après, il a demandé : « Qui est le concerné ?», je me suis levé il m’a dit : « Suivez-moi». Quand je sors directement il m’arrête par la ceinture et me traine jusqu’à sa voiture personnelle, puisqu’il n’avait pas sa voiture de service. Il m’a fait entrer puis il me dit : « Je suis venu t’arrêter avec ma voiture personnelle, moi je n’étais pas au travail et je suis arrivé». Mon frère s’est dirigé vers lui et lui a demandé s’il avait une convocation ou un mandat. Il l’a menacé. Puis il a démarré nous sommes partis. En cours de route il me dit : « mais comment on t’envoie les convocations tu ne viens pas ?». Je lui ai dis que je n’ai pas reçu de convocations et vous venez m’arrêter sans le mandat d’arrêt ? Il me dit : «Je suis le mandat d’arrêt et je suis aussi la convocation». Je dis mais comment ça ? Il a commencé à me traiter de tout et de rien, comment nous les jeunes d’aujourd’hui on kidnappe les filles d’autrui, on prend les filles d’autrui sans se rendre compte de ce que nous sommes en train de faire. Puis je n’ai plus dit mot. Arrivé à la brigade il a dit au  Commandant de Brigade : «voilà celui qui détourne les mineurs», (dont parait-il lui c’est le premier adjoint au commandant parce qu’on l’appelle aussi CB ; mais celui que j’ai trouvé à mon arrivé c’est lui leur chef, dont le patron de la brigade). Il m’a demandé : «La fille est où ? », j’ai dit je ne connais pas, il a fait un signe de la main comme pour dire qu’on mette en cellule. J’ai été conduit vers un autre gendarme qui a enregistré mon identité et directement j’ai été conduit en cellule.

Avez-vous  été interrogé à votre arrivée ?

Non…

Avez-vous passé la nuit en cellule ?

Oui….

Dans quelles conditions ?

Dans des mauvaises conditions. Je dormais à même le sol, et il faisait très froid. Ils m’ont donné un seau pour contenir mes selles et urines, c’est tout.

Après votre première nuit en cellule, vint la matinée du Jeudi. Que peut-on retenir des temps forts de cette journée ?

Le matin quand mon père est arrivé, ils m’ont sorti de la cellule. j’ai causé avec mon père et l’adjoint du CB qui la veille m’a arrêté. Il disait qu’il va m’interroger. Quelques minutes après le début de  l’interrogatoire, le procureur est arrivé il était environ 9h .

Procureur de quel parquet ? Comment s’appelle-t-il ? Peut-on avoir une idée de son portrait ?

C’est le Procureur de MONATELE, une femme, corpulence moyenne, teint clair, elle roulait ce jour-là à bord d’une  RAV 4 de couleur grise.

Qui vous a dit  que  c’est elle le  Procureur ?

Je l’ai est entendue dire que c’est elle le Procureur. Et les gendarmes l’appelaient ainsi.

A vous écouter, le Gendarme en civil qui vous arrête n’est que l’adjoint au CB…Alors, avez-vous connaissance de ses grade et nom ?

C’est l’Adjudant  F.

Mme le Procureur arrive et comment se gère la suite de votre affaire ?

L’Adjudant F.  m’interrogeait, et quand le Procureur est arrivé, il m’a amené où se trouvait le Procureur. Et tous me posaient des questions.

Que peut-on retenir de la nature du questionnaire ?

Les questions concernaient la fille et notre relation. Et quand je leur ai dit que je ne connaissais pas où se trouve la fille, le Procureur a commencé à me menacer qu’elle va m’envoyer à MONATELE (ndlr : Prison). Elle me dit que je peux faire comme ça alors que j’ai tué la fille et son corps est entrain de se décomposer quel que part. Et elle a conclu ses termes en disant qu’après audition que je paye la caution et qu’on me libère.

De la police judiciaire au comptoir marchand ?

A qui donnait-elle ces instructions ?

Au CB  F.. Puis nous sommes partis dans son bureau, il a appelé mon père dans son bureau et il lui dit qu’il faut la caution. Mon père lui demande : «La caution c’est combien ?», le CB  F. lui dit : «Je peux vous dire 200.000 francs CFA, 300.000 francs CFA ça dépend». Mon père lui dit : «Comment tu peux dire ça dépend ? Dis-moi je veux connaitre». Le CB lui dit 100.000 francs CFA. Mon père lui dit : « Je vais prendre 100.000F où maintenant ». Il demande à mon père : «Tu as combien ?». Mon père n’avait pas l’argent il a sorti un billet de 5.000 francs CFA. Le CB dit : «Je vois que vous êtes en train de blaguer. Comme je vois que vous n’avez rien vous allez donner 50.000 francs CFA ».

Selon vous, Mme le Procureur avait-elle fixé un montant précis de la caution ?

Non,

L’Adjudant F.  a-t-il quand poursuivi l’audition dans son bureau avant de vous demander la caution comme prescrit par  Mme le Procureur ou le contraire ? 

Il ne m’a plus posé de question, il a seulement appelé mon père pour lui demander la caution.

Avez-vu pris connaissance de la plainte portée contre vous ? Si oui, quel en est le motif ?

Oui l’Adjudant F.  m’a montré la plainte qui avait pour motif détournement de mineur.

Y-a-t-il autre chose qu’il ait évoqué en dehors de ce  motif ?

Non, seulement le détournement de mineur et que je risque 5 à 10 ans d’emprisonnement. Et il me : « tu dis que tu fais dans le bâtiment ? Avec tout l’argent que tu as appelle on t’envoie l’argent pour payer la caution». Et il a dit à mon père d’attendre que c’est lui (mon père) qui allait leur transmettre cet argent. Je suis resté au secrétariat, mon père est allé me chercher de quoi manger, il est revenu. Je suis resté là toute la journée il me demandait seulement où est l’argent ? L’argent arrive à quelle heure ? Tes gens ne veulent pas venir avec l’argent? Je vois que tu veux seulement qu’on t’envoie à MONATELE.

De qui sont ces propos ?

L’Adjudant  F.  Puis à 22h un gendarme m’a demandé d’aller me coucher. Je suis rentré en cellule il a fermé la porte.

Parlez-nous de la journée du  vendredi 04 mai 2018 

Le matin l’un des gendarmes qui était de garde m’a demandé d’aller vider le seau dans lequel je faisais mes besoins, quand je suis revenu il m’a demandé de laver le sol que je ne suis pas en bon voyage. J’ai fait le ménage dans toute la brigade. Quand j’ai fini il me dit : Tu n’appelles pas tes  parents ? Je ne répondais pas. Et ils m’ont demandé de rester au secrétariat. Fatigué je suis retourné me coucher dans la cellule et c’est le Commandant de la brigade en personne, un monsieur noir, robuste, qui est venu me demander de sortir pour rester au secrétariat. Je suis resté seul avec un autre gendarme dont j’ignore le nom, les autres sont tous partis. J’avais faim et je lui ai donné de l’argent pour qu’il m’achète de quoi manger, il a appelé un enfant pour m’acheter de quoi manger. Je suis resté là toute la journée avec la même pression. Au environ de 17h45min, il est allé s’asseoir dehors, et il a envoyé un enfant m’appeler. Quand je suis sorti  il me dit : « Il faut renter, rentre ».

Où se trouvait l’Adjudant F.  ?

Aucune idée. Il n’était pas à la Brigade au moment où je quittais.

Au moment de libérer la Brigade, avez-vous signé dans un registre ?

Non. Il m’a seulement dit de rentrer. Le seul papier que j’ai signé et par contrainte c’est le procès-verbal que je n’ai même pas eu le temps de lire ce qui a été écrit.

Durant les deux nuits et trois jours de garde-à-vue, Avez-vous aperçu les plaignants (parents de votre amie)  ?

Non, j’ai demandé leur position et le CB  F. m’a fait comprendre qu’ils allaient arriver. Ce qui n’a pas été effectif. En plus, le CB  F.  a refusé de se présenter au moment de mon arrestation. Ce n’est que dans la Brigade que j’ai su son nom.

 

Propos  recueillis le 05 Mai 2018

 

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