
LES FAITS
Gogola Lala et Bagodogo sont deux frères de la même communauté qui, il y a bientôt 45 ans, scellent un deal qui résulte en un transfert des droits coutumiers du second au profit du premier sur une parcelle de terre. Une trentaine d’années plus tard et à la surprise des descendants de Gogola Lala, ce droit qui ne fut pas un privilège, est remis en question par M. Makadji, frère de Bagodogo. Les tensions montent dans les deux camps. Après la chefferie de 2è degré de Mada saisie en premier ressort, ce sera le tour de la Sous-préfecture de Tokombéré d’être sollicitée le 21 juin 21 par « Human Rights Monitoring », notre partenaire. Neuf mois plus tard, et plus précisément le 30 Mars 22, la médiation de la sous-préfecture accouche d’une souris. Les deux parties devraient retourner à l’instance coutumière chargée de trancher. Toute démarche qui n’est pas acceptée par les descendants de Gogola Lala. Ceux-ci à travers M. DJEMERE leur porte-parole, dénoncent.
ENTRETIEN

Comment votre père Gogola Lala, arrive-t-il à exploiter cette parcelle de terre au cœur du litige qui vous oppose à la famille de Bagodogo ?
Bagodogo (RIP) et Makadji sont deux frères qui font face aux ennuis judiciaires lorsqu’ils se rapprochent de mon père pour obtenir un peu d’argent afin de régler l’affaire. Tout se passe bien et les deux échappent à la prison. Dans l’incapacité de restituer l’argent de mon père, Bagodogo propose à mon père trois choses pour annuler la dette. Il s’agit d’un bouc et d’un linceul valables à son décès et un champ. Mon père naturellement accepte. Et depuis lors et jusqu’à leur décès, il n’y a jamais eu de bruit autour de cette affaire….jusqu’à très récemment lorsque Makadji s’est présenté et a remis en question les clauses de plus de quarante ans.
De quoi s’agissait-il lorsque vous parlez d’ennuis judiciaires ?
Bagodogo et Makadji perçus comme étant de tortionnaires d’une autre époque, avaient violemment assené des coups à M. Tigé et ce au domicile de M. Dougdjé.
Votre papa les avait donc aidés au soir des années 70, à corrompre la justice ?
Ce n’est pas ce que j’ai dit. L’assistance de mon papa allait dans le sens, je n’étais pas encore né, mais je crois, de faire la paix avec leur victime Tigé, de prendre en main ses soins médicaux et de se faire assister par un avocat. Sauf erreur d’appréciation de ma part.
Quel fut le montant de cette assistance ?
Aucune précision. Cependant, en dehors de l’assistance judiciaire, je sais que Makadji qui s’agite aujourd’hui sait que c’est mon père qui lui avait donné de l’argent pour assurer les obliogations de son mariage. C’est tout cela réuni qui pousse son grand frère Bagodogo, à proposer ce qu’il fit à mon père, comme moyen de remboursement.
Vous qualifiez Makadji de tortionnaire pour des faits antérieurs à votre naissance..Alors, comment pouvez-vous prouver que cette histoire de tortures de M. Tigé est fondée ?
M. Jean Ldambala, l’un des deux fils de Dougdjé, témoin de cette scène inédite, est vivant et peut en témoigner.
S’agissant du litige foncier, Vos arguments sont remis en question par M. Makadji qui a le privilège d’être témoin de ces transactions alors que vous n’étiez pas encore né…Comment pensez-vous affaiblir sa position alors que les témoins de votre côté sont tous décédés ?
C’est aussi simple que cela. S’il peut jurer selon nos us et coutumes, que ce qu’il avance comme arguments sont fondés, alors je me retirerais, en attendant le verdict des voies ancestrales qui ne tardent jamais à réagir. C’est tout. Dire qu’il est chrétien et ne peut jurer est un faux prétexte. Par contre je suis prêt à jurer au nom de mon père.
Sur tout autant plan, quels autres arguments faites-vous valoir contre la position de M. Makadji ?
Lorsque pour la première fois il s’attaquait à nous, c’était autour de 2010. Mon père était encore vivant. Au niveau de la chefferie, il leur avait été demandé de jurer. Mon père n’avait pas hésité à le faire, mais lui, il avait refusé. Et depuis ce temps, il s’était tu. Il a fallu attendre le décès de mon père, de tous les juges témoins de son refus de jurer, avant de relancer ses hostilités. Et je lui demande pourquoi avait-il opté pour le silence sous le magistère des juges coutumiers : Brahim Dzayangna, Sali Tezangna et Madé ? Où se trouvaient ses arguments pour que ce soit aujourd’hui qu’il s’agite ? Pourquoi s’oppose-t-il à la médiation du Sous-préfet et ne préfère que celle du tribunal coutumier ?
Comment justifiez-vous son opposition à la médiation du sous-préfet ?
Il y a des signes qui ne trompent pas. Retenez, avant la rencontre avec le Sous-préfet qui a eu lieu le 29 Mars, son adjoint avait déjà tranché en faveur de Makadji. Le 30 Mars, le Sous-préfet remet son PV. On se rend compte qu’il n’a pas tranché et nous renvoie à la Chefferie.de Mada. Le 08 Avril au matin, en présence de Dayirou, M. Yakouba Hamidou, le représentant du Président de l’Assemblée Nationale à la Chefferie déclare à son domicile, près de la mosquée de Kolkoch et en ma présence je cite :
- « Comment se fait-il que le Sous-préfet donne plus d’importance à son jugement qu’au nôtre ?
- Comment peut-il dire que la valeur de notre jugement est de 25% et celle de l’Administration 75% ? » ;
- « Comme nous avons décidé d’arracher le champ à la chefferie, c’est la même décision que je prendrai, à la prochaine assise du 14 avril 22 ».
Que faisiez-vous chez lui au petit matin ?
C’est M. Yakouba Hamidou qui a fait appel à moi.
Avez-vous pris part à cette rencontre d’hier, si oui qu’en retient-on ? Si non, pourquoi ?
Non, j’ai refusé de m’y rendre pour trois raisons : (1) Après le Sous-préfet, ce n’est plus la Chefferie-partisane qui doit décider, mais le Tribunal., (2) je suis solidaire du sous-préfet qui est le représentant du 1er Ministre, Chef du gouvernement. Le ton avec lequel M. Yakouba Hamidou parlait du sous-préfet m’a semblé impoli et inacceptable. (3) Il ne fallait pas y aller, puisque le verdict était déjà connu, contrairement au Sous-préfet qui en sollicitant la chefferie, a souhaité, qu’elle « continue les investigations visant à éclairer cette situation. ». (Cf. Pièce 2 )
En optant pour le tribunal, n’est-ce pas aussi une manière de défier le Sous-préfet qui propose autre chose que cela : Extraits
» Le Sous-préfet le 30 Mars renvoie l’affaire à la Chefferie pour investigations approfondies et non pour finaliser l’affaire. Mais dix jours après, soit le 08 avril, M. Yakouba Hamidou m’informe que le terrain revient à Makadji. Voudriez-vous que je me taise ? Il faut aller loin. Et je vais saisir le Tribunal cette semaine sans avoir à l’esprit d’offenser le Sous-préfet. Je défends mes intérêts.
Dans cette affaire, qui sont Dahirou et Yakouba Hamidou ?
Dahirou est le juge Coutumier de la Chefferie de 2è degré de Mada. Par contre, M. Yakouba Hamidou est celui qui assure l’intérim de ladite chefferie en l’absence de son leader qui n’est autre que le Président de l’Assemblée Nationale.
RÉACTION :
M. BEBDINE Zebulon, président de l’Association » Nouvelle Sentinelle des Droits de l’Homme » désavoue la démarche du Sous-préfet et suggère….

Le Gouvernement camerounais consacre un système juridique dualiste qui tient compte des coutumes et traditions des peuples pour les matières non répressives. Aussi les Camerounais peuvent-ils intenter leurs actions conformément au système moderne et écrit, ou les porter devant les juridictions coutumières. C’est fort de ce système hybride ou dualiste que le litige opposant les descendants de Gogola Lala représenté par Sieur Djemere et M. Makadji , frère de Bagodogo. Ici ce n’est qu’en procédant au cas par cas que nous serons suffisamment édifiés.
Sur le principe
Nous rappelons que la coexistence entre les deux ordres juridictionnels continue d’exister de nos jours , et la loi du 29 Décembre 2006 prise en la matière n’a pas nié cette coexistence. A contrario , elle a redynamisé ces tribunaux coutumiers en son article 4 en disposant que les juridictions traditionnelles relèvent désormais du domaine de la loi . Les juridictions appliquent la coutume , entendue comme une règle de droit qui s’est forgée grâce aux habitudes du milieu social , dans lequel elle se développe et s’applique.
La coutume appliquée sera alors celle des parties en conflit, confirmée et attestée par les assesseurs nommés auprès de ces juridictions
Aussi pour que les juridictions de droit coutumier connaissent d’un litige, deux conditions sont requises:
- Les personnes en conflit doivent être de nationalité camerounaise comme c’est le cas en l’espèce.
- Toutes les parties doivent accepter d’être jugées par un tribunal coutumier. Dans le cas contraire , la possibilité est donnée à toute personne assignée devant un tribunal coutumier , de décliner la compétence de celui-ci avant tout débat au fond or dans le cas d’espèce ,une telle déclinaison n’a pas eu lieu , et une éventuelle remise en cause de son verdict devient hypothétique dès lors que la coutume des parties a été effectivement appliquée , et questionne par le fait même la bonne foi de la partie contestataire qui naguère était consentante .
Sur le fondement juridique
La nature ayant horreur du vide , et comme les gens sont essentiellement « Méchants , ingrats, stupides et avides au gain » comme le disait Machiavel , il serait alors essentiel pour les victimes (Sieur Djemere) de scruter toutes les chances qui militent en leur faveur. Au demeurant , ils doivent savoir que
- Selon l’art 711du CC « La propriété s’acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs, ou testamentaire, et par l’effet des obligations. » Et selon
- L’art 712 du CC, » La propriété s’acquiert aussi par prescription «
En droit immobilier camerounais, il existe plusieurs modes d’acquisition de la propriété, la propriété peut s’acquérir par l’effet de l’occupation, de possession acquisitive ou par voie conventionnelle ou successorale, c’est-à-dire avec l’intention d’en devenir propriétaire.
Qu’il existe aussi la prescription acquisitive ou usucapion , c’est le fait d’acquérir juridiquement un droit réel que l’on exerce sans posséder un titre après l’écoulement d’un certain délai , dit de prescription pendant lequel toute personne peut le contester ou le revendiquer en justice.
A défaut de pouvoir fournir un titre, de propriété (titre foncier) , les ayants droit peuvent se contenter d’invoquer leur 40 ans ou 45 ans de possession..
En effet , pour revendiquer la prescription acquisitive sur la parcelle querellée , les victimes doivent démontrer qu’elles sont en situation d’application de la prescription acquisitive.
Concrètement elles doivent notamment prouver qu’il n’y a pas eu fraude -Qu‘il y a eu une possession utile de la parcelle au sens que lui en donne le CC. –Prouver leur bonne foi c’est-à-dire qu’elles aient utilisé la parcelle sans l’intention de nuire aux intérêts du propriétaire. -Elles doivent fournir un certain nombre de preuves. -Leur succès d’activer la prescription acquisitive est largement au-dessus de la moyenne (30 ans requis) contre 40 ans ou 45 ans de possession.