LA CONFIANCE EN L’AUTORITE DE L’ETAT S’EFFONDRE DANS LE MAYO-SAVA              

MAHAMADOU OUMAR, né vers 1984, cultivateur domicilié à DJAMANGA, par KOUYAPE, dans le Canton de KERAWA, a failli passer de vie à trépas dans l’après-midi du 09 juin dernier après une rixe avec M. ABBA LAWANE TCHARI un éleveur qu’il surprend dans son champ.  Cloîtré dans la douleur qui le tient captif trois semaines après l’incident qui lui vaut « l’auriculaire gauche amputé et l’annulaire du même bras immobilisé grâce à une suture », il a stoïquement accepté de nous recevoir à son domicile le dimanche 28 Juin dernier. Occasion pour lui de nous narrer son histoire, de nous décrire son chemin de croix, de nous révéler d’autres contradictions de notre appareil judiciaire. Pathétique, mais Ô combien instructif dans notre univers où malheureusement le droit de la force progressivement et sûrement supplante la force du droit. Devrait-on encore être surpris d’apprendre qu’un homme armé de son poignard ait tenté en vain de tuer son adversaire et que plus tard, cet agresseur bien qu’appréhendé, soit libre sans qu’une enquête n’ait été faite ? De là, a-t-on encore besoin de savoir qui du Commandant de la Brigade Territoriale de Gendarmerie (BTG) de KOLOFATA qui interpelle l’agresseur et rend plusieurs fois visite à l’agressé alors qu’il est interné à l’hôpital central de Mora et du Procureur de la République informé et qui y aurait même dépêché son Secrétaire Particulier (non sans avoir vraisemblablement renouvelé la garde-à-vue de l’agresseur) serait fautif ? Y-a-t-il lieu de s’en étonner tant, quand on sait qu’à Mora, au grand dédain de notre laïcité, un Adjudant-Chef de Gendarmerie, Officier de Police Judiciaire diplômé lit-on, peut librement et impunément déloger de sa chapelle et manu militari un Pasteur en plein Service du dimanche simplement parce que celui-ci a facilité la transhumance religieuse d’une lycéenne de naissance musulmane ? A-t-on besoin de crier sur les toits quand on sait qu’un Commandant de Brigade de Gendarmerie de Mora, en son temps, soit resté impuni après avoir torturé et traité de manière inhumaine et dégradante plusieurs suspects ? Qui peut tutoyer dans le Mayo-Sava ces autorités traditionnelle, judiciaire et administrative impliquées qui dans l’émission frauduleuse d’actes de naissance, qui dans de mafieuses transactions foncières et on s’arrête là en attendant ? Tout y va décidément à vau l’eau. « Voler » et son anagramme « Lover » (amoureux en anglais) », signifient là-bas la même chose. En d’autres termes, pour y être aimé, il faut laisser voler. Pendant ce temps s’amoncellent sur nos têtes, des nuages précurseurs de l’Extrémisme Violent.

ENTRETIEN

Qu’est-ce qui s’est réellement passé le 09 Juin dernier ?

Je suis propriétaire d’un grand champ de manguiers ici au village. C’est donc comme ça qu’on m’informe ce jour-là autour de 15h qu’un troupeau de bœufs est entrain de dévaster mon champ. Je me présente précipitamment sur les lieux et y trouve M. ABBA LAWANE TCHARI entrain de briser fièrement les branches des manguiers servies à son troupeau qui en broutait progressivement, non sans épargner les jeunes autres plants de manguiers que je venais récemment de planter.

Quelle est votre réaction ?

Deux choses se sont produites : D’abord je lui demande ce qu’il fait dans mon champ. Sans se gêner il ne donnera aucune réponse à ma question, mais continuera à nourrir son troupeau des branches de mes manguiers avec en plus des poches pleines de mangues cueillies à la même occasion. Par la suite, je décide de me rapprocher de lui dans l’espoir de l’éloigner de ce champ. C’est à ce moment-là qu’il tente d’utiliser son couteau accroché à la hanche pour se défendre. Je réussis à le maîtriser.

Comment arrive le drame ?

Se sentant affaibli, il s’arme de sa machette qu’il tente plusieurs fois d’assener sur ma tête. A chacune de ses manœuvres je parviens à me défendre jusqu’au moment où, de ma main gauche, je parviens à dévier un autre coup fatal qui m’aurait certainement atteint par la tête. Sur place, mes doigts sont atteints. Mon auriculaire tombe et les autres doigts tiennent par la chair. Le sang coule abondamment.

Vous êtes conduit d’urgence à l’hôpital et qu’est-ce qui se passe par après ?

J’apprends plus tard que M. TELLA est celui qui arrête mon bourreau (M. ABBA LAWANE TCHARI) et le conduit à la Chefferie. M. BLADI à son tour informe le Commandant de la Brigade de Gendarmerie (CBT) qui lui-même est venu le lendemain l’arrêter et le conduire en cellule.

Avez-vous été entendu par les gendarmes ?

Non.

Pourtant certains de vos proches nous ont fait comprendre que le Commandant de la Brigade vous a entendu au niveau de l’hôpital ?

Il est arrivé trois fois seul et une fois avec Maître BOUKAR. Il disait vouloir m’entendre. Ce que j’ai refusé puisque je me sentais mal et les produits (ndlr : Valium) que je prenais me fatiguait beaucoup.

Que vous a dit l’huissier Me BOUKAR ?

Il n’est pas huissier. C’est le Secrétaire du Procureur. Il ne m’a rien dit.

Avez-vous des nouvelles de votre agresseur ?

Il est au village.

Vous avez dit tout à l’heure que le CBT l’a arrêté le lendemain du drame ?

C’est vrai, mais il est libéré cinq jours après ma sortie de l’hôpital. Il a passé je crois 15 jours entre les mains des gendarmes.

Entre-temps avez-vous déposé une plainte contre votre bourreau ?

J’ai saisi le Procureur le lendemain de la libération de mon bourreau. C’était Mercredi passé (ndlr : le 24 Juin)

Entre-temps, quelle est la nature de vos rapports ? Vous-a-t-il présenté des excuses ?

Non. Il s’est plutôt moqué de moi en me faisant comprendre que le voici libre et que je ne peux rien contre lui.

Qu’attendez-vous de nous ?

Je suis surpris que mon bourreau arrêté soit libre après avoir détruit mon champ et tenté de me tuer, alors qu’on ne m’a même pas encore entendu. Je souhaite que vous fassiez entendre ma voix plus loin. J’ai peur que cet homme vienne m’achever.

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