Entre le 17 Mai 2014[1] et l’an 2016, le peuple camerounais derrière la coalition des armées tchado-Camerounaises vit des moments effroyables. Les combats entre les terroristes de Boko haram et ces forces de défense sont des plus intenses et âpres. Les Fedayin (encore appelé Kamikaze) multiplient des opérations suicides, la terreur plane, la peur s’empare des masses, les comités de vigilance se constituent et bravent tous les périls. Il a fallu du temps, des sacrifices multiformes, des pertes humaines et matérielles, l’assistance humanitaire internationale, la volonté et disponibilité des pouvoirs publics, etc. pour maîtriser cette situation. Tôt l’an dernier, des indices rassuraient de ce que la situation était définitivement sous contrôle. La reddition des centaines d’anciens combattants ne pouvait que nous rassurer de ce que, la secte Boko Haram avait franchi sa phase de déclin. Ironie du sort, au soir du premier semestre, le Mayo-Tsanaga d’abord et le Mayo-Sava par la suite, semblent redevenir le flanc du relief le plus sollicité par ces hors la loi. Du/le :
- 08-09 Mai 2017 (autour de 23h) : deux jeunes enfants sont enlevés à VOUZI et deux parents égorgés.
- 11 Mai 2017 : Les assaillants reviennent et emportent les vivres et bétail.
- 27 Juillet 2017(dans la nuit) : M. KATOUWERE VATSAMA, ACV est égorgé au lieu-dit
- 05 Septembre 2017 (nuitamment) : Trois hommes sont égorgés, Un blessé, 04 Enfants kidnappés, 63 maisons brûlées à DZABA.
- 26 Septembre 2017: tôt le matin au lieu-dit GOLEDJE, kidnapping de deux personnes à savoir : Messieurs KOLEFTE VAGSSA et HAMIDOU GODJEO.
- 26 Octobre 2017 (autour de 2h) : Trois dames Kamikazes se sont faites exploser à MOZOGO. Elles sont les seules victimes de la bêtise.
- 27 Octobre 2017, peu avant minuit : Deux combattants de BH lourdement armés sont arrêtés à Gansé (Mayo-Sava). Ils venaient d’être dénoncés par les leurs, après qu’ils aient pris ensemble le souper..
- 29 Octobre 2017, dans la nuit, douze personnes sont égorgées non loin de Gréa, arrondissement de KOLOFATA, Département du Mayo-Sava.
Sa Majeté Oumarou Bouli
- 21-Novembre-2017, autour de 23h, à KOTCHEREHE, arrondissement de MORA, département du MAYO-SAVA, région de L’EXTREME-NORD, Sa Majesté OUMAROU BOULI, 58 ans, Chef Traditionnel et Agent de Comité de Vigilance, échappe de justesse à la mort. En effet, quatre membres présumés de boko haram dont trois cagoulés, armés de kalachnikov, font irruption dans son domicile et sous fond de menaces, lui arrachent deux millions huit-cent mille francs, issus de la vente des oignons et destinés la veille, au remboursement de certaines créances. En marge d’atroces tortures subies cette nuit-là, ses bourreaux décident de trancher son cou…Ils s’y investissent et quittent les lieux convaincus que leur victime est décédée. Heureusement le couteau qui traverse la chair, n’a pas atteint les veines. Les images ci-dessous révèlent l’ampleur de l’incident.
- Janvier 2018 : le village KASSA 1, Canton Podoko Centre, arrondissement de Mora, Département du Mayo-Sava, subissait en l’espace de quelques jours, deux invasions terroristes de BOKO HARAM. La première attaque échoue après que les terroristes aient tenté en vain d’emporter le bétail. La deuxième par contre se solde par un pillage systématique avec à la clef assez d’argent et des biens emportés. Au-delà de ce qui précède, il y a lieu de remarquer que la fréquence des attaques de Boko haram dans ce village et environs, va crescendo. « Le village n’a pas dormi. Ils ( Boko haram) ont tenté de revenir, mais nous nous sommes battus avec nos armes( ndlr :artisanales) et les avons repoussés. » Nous confie un Agent de Comité de Vigilance qui ne manquera pas de fustiger l’absence de l’armée dans cette zone, pourtant réputée dangereuse. « Quelquefois, lorsque nous les (Responsables de Défense et de Sécurité de Mora) appelons dans la nuit pour leur présenter la situation et solliciter une intervention, ils ne décrochent pas ». Entre-temps ce village et voisins se vident. Déclare un Agent de Comité de Vigilance. Les populations les quittent pour des horizons plus sécurisés, notamment à Mora-ville.
- 05- Février-2018, le domicile de LAWANE FOUDAWA, 28 ans, autorité traditionnelle et Agent de Comité de Vigilance de KOTCHEREHE, arrondissement de MORA, département du MAYO-SAVA, région de L’EXTREME-NORD est attaqué autour de 23h30 par plusieurs personnes armées. Celui-ci réussit à s’échapper. Les assaillants dans une course éprouvante ne parviennent pas à le rattraper. C’est alors qu’ils décident de faire payer le prix par sa famille. Quelques uns de cette entité s’enfuient. NAOGAI Rebecca, 27 ans, l’une de ses épouses est ligotée, mortellement bastonnée. Plusieurs autres enfants subissent eux aussi la bastonnade et sont présentement alités. La maison est pillée et la somme de sept-cent mille francs, recette issue de la vente d’oignons est emportée.
OBSERVATION
Un regard appuyé des éphémérides ci-dessus, force à remarquer que le modus operandi de boko haram a complètement changé depuis Mai 2017. Des combats acharnés aux raids des Fedayin récurrents, nous nous retrouvons devant une secte pas forcément affaiblie, mais dans une démarche plutôt stratégique. Dans un premier temps, il est clair que :
Deux des Cinq victimes 05 Avril 2018
- les éléments de Boko Haram évitent au maximum des combats frontaux avec nos forces de Défense et préfèrent la guérilla qui consiste à frapper fort et s’échapper. Illustration : le 05 Avril 2018, la secte Boko Haram réalise l’exploit de tuer cinq militaires Camerounais (dont un Officier) en blessant un autre. Cet incident particulier se produit à Fotokol dans une logique de surprise. Il n’est pas inutile de souligner que neuf jours plutôt, le 27 Mars, presque dans la même zone, cinq soldats Cameroun de la Force Mixte sont grièvement blessés et un autre tué, le corps emporté par les assaillants.
- En lieu et place des billets de dollars naguère portés par ces voyous, l’on assiste plutôt aujourd’hui à une activité qui s’apparente au vol, grand banditisme, pillage, etc.
- Des cas de kidnapping (surtout des jeunes) sont récurrents dans la contrée et sont vite gérés contre rançons.
- Y aurait-il un problème de financement de la secte ?
NOUVEAUX PARADIGMES
Les quatre haut commis d’Etat enlevés dans les Régions Anglophones
Evoquer l’insécurité au Cameroun de nos jours, signifie avoir nos projecteurs tournés vers tous les foyers de tension qui écument notre pays. Il est inéluctable de constater que plus le temps passe, plus les combattants séparatistes des deux Régions Anglophones se rapprochent de Boko Haram en termes de moyens de luttes qui se résument en : Attaques surprises, Enlèvements, etc.
- Le 11 Février 2018: Marcel Namata Diteng, Sous-préfet de Batibo, département de la Momo, Région du Nord-Ouest est enlevé.
- Le 24 Février 2018: Aaron Ankiambom, Délégué Régional des Affaires Sociales pour le Nord-Ouest est enlevé.
- Le 17 Mars 2018, le Professeur Ivo Leke Tambo, President du GCE Board est enlevé dans le Lebialem par les séparistes.
- Le 08 Avril 2018, l’ancien Vice-Président de la cour d’Appel du Sud-Ouest est enlevé en pleines obsèques de sa mère qui se tiennent à Ewellé dans la Manyu.
Ce qui précède force à révéler une difficulté majeure à laquelle fait face nos forces de défense et de sécurité. Il s’agirait forcément du déficit de renseignements qui laissent libre-cours aux activités des Séparatistes qui attaquent toujours par surprise et infligent à l’Etat des pertes politiquement « sensibles ». Entre novembre 2017 et Mars 2018, trente militaires (gendarmes et quelques policiers inclus) ont été tués dans la Région anglophone. Ce chiffre est énorme quand on se rend compte qu’il n’est pas consécutif aux combats entre les forces régulières et les séparatistes, mais à une logique de guérilla. Et de là, comment admettre ce qui ressemble au non collaboration des populations (des Régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest) avec les autorités locales en termes bien sûr de renseignements? Comment comprendre l’apparente finesse dont font preuve les séparatistes qui kidnappent librement des personnalités de la république, sans se faire repérer ? Les raisons plus ou moins valables sont multiples :
- La Communauté anglophone du pays semble solidaire aux séparatistes et refuse de coopérer avec le gouvernement. En retour, ces séparatistes veillent à ne pas trahir cette confiance. Pour illustration : Aucune de leur victime enlevée n’a été tuée. l’enlèvement du Professeur Ivo leke et de l’ancien Vice-président de la Cour d’Appel du Sud-ouest, symboles importants de l’Etat, sont vite libérés plutôt que gardés ou abattus. Et pourquoi maintiennent-ils en captivité le Sous-préfet de Batibo et le Délégué Régional des Affaires Sociales du Nord-Ouest ? Sans maîtriser les règles de jeu des séparatistes, notre analyse nous conduit à croire que l’enlèvement de ces deux fonctionnaires dans la Région du Nord-Ouest est consécutif aux exigences des séparatistes à obtenir du gouvernement la preuve de ce que, les leaders ambazoniens extradés du Nigeria sont bel et bien vivants. Et le silence d’en face, pourrait dans notre compréhension Justifier ce maintien en captivité.
- Les séparatistes sont des Camerounais qui se battent en territoire Camerounais avec au bout de leurs lèvres, des revendications qui trouvent leurs origines dans la violation des Accords de Foumban de 1961. C’est important de le dire, c’est normal de le rappeler. Et puis, refuser de « visiter » ce contrat historique peut ressembler à la mauvaise foi des pouvoirs publics lequel refus aménagerait le flanc de la radicalisation des sécessionnistes.
- En temps normal, une armée ne devrait aucunement pas se retourner contre ses propres citoyens. Le cas des Régions anglophones est assez troublant. Et si les réalités de ces Régions ont rendu possible cette situation, c’est comprendre que la résistance des anglophones repose sur des arguments fondés. Auquel cas, les réclamations des sécessionnistes méritent d’être étudiées sans « rage » afin qu’on en arrive à un dialogue débarrassé de tout complexe.
- Il est objectivement difficile pour notre pays, naguère îlot de paix, de gérer trois foyers de tension qui ruinent drastiquement notre économie non sans fragiliser notre « vivre ensemble ». Que l’on soit d’accord ou non, la situation générale du pays se dégrade chaque jour, ses grands ensembles se désagrègent, le désespoir s’installe au moment où s’émousse la conscience des masses..Pourquoi ne pas le dire puisque dans une logique de MUTATION ou de CHANGEMENT DE PARADIGMES, rien ne puisse interdire aux combattants anglophones et aux bons soins des ennemis du Cameroun, de synchroniser leurs forces avec celles de Boko Haram et des rebelles Centrafricains.
SUGGESTION
Le Cours complémentaire de Njinka (où les accords de Foumban ont été signés) est devenu le lycée de Foumban.
- Une Conférence de Foumban II s’impose dans la logique du retour de la paix dans la Région Anglophone. C’est incontournable dans une arène où, l’épreuve de force affiche ses limites et fragilise davantage l’unité nationale. Un soldat Camerounais anglophone, affecté au front Nord contre boko-haram perd la lucidité, l’hardiesse et l’esprit patriotique à la simple information faisant état de ce que, ses frères d’armes (soldats) ont abattu un de ses parents quelque part dans la partie anglophone. Devrait-on taire les propos de ce policier rencontré sur un tronçon de l’Extrême-Nord, vraisemblablement anglophone et courroucé par le comportement d’un chauffeur de Camion à qui disait-il « Si tu n’es pas d’accord tu gares (…) tu crois que dix mille là peuvent me permettre de reconstruire ce que les militaires ont brûlé dans mon village en tuant mes frères ? »
- Puissent nos dirigeants se souvenir de ce que le second Accord-Cadre de Camp David relatif au traite de paix entre l’Egypte et Israël sur le Sinaï, signé le 26 Mars 1979 entre le président égyptien Anouar el-Sadate et le premier ministre israélien Menahem Begin, sous la médiation des Etats-Unis a le mérite d’avoir sauvé la paix, nonobstant l’humiliation que les Arabes estimaient en avoir subie. C’est dire qu’au nom de cette paix et au-delà de tout complexe, toutes les parties prenantes devraient penser d’abord à la paix et à la stabilité du Cameroun.
Emmanuel MOMO
[1] Jour où le Chef de l’Etat Camerounais, depuis l’Elysée, déclarait la guerre à boko haram