img_20170106_163900  ABBA  DOUGDJE

Le 18 janvier dernier est particulièrement tendu. Sa Majesté OUMATE, Chef  de 2è degré de Kourgui refuse que son territoire soit exploité par des organisations inconnues de ses registres qui plantent leurs enseignes n’importe comment et surtout sans se faire le moins identifier. Ces enseignes sont donc déterrées et confisquées. La scène accouche quelques instants plus tard, d’une ambiance confuse qui met en état d’alerte les populations des deux villages. Celles-ci se mobilisent autour de leurs  frontières communes, armées de coutelas, gourdins, flèches, etc.. On frôle l’affrontement, sous une pluie d’injures réciproques. La situation est néanmoins maîtrisée par la présence sur les lieux du ’Sous-Préfet de Mora.. Le Chef de Terre ayant pris note de la situation, demande aux uns et aux autres de se calmer en attendant qu’il pense des dispositions pour arbitrer le différend. Si le pire est évité, les violences verbales et gestuelles sont restées perceptibles et sources de plus ou moins d’insécurité…Autant on craint que deux ethnies ( podoko et mandaras) se déchirent, autant il est regrettable de constater qu’entre mandara naît  un autre foyer de tensions qui semble opposer les pro-podokos aux Soutiens de Sa Majesté OUMATE.

ABBA DOUGDJE, Cadre du ROSADH (Réseau des Organisations de Promotion de Santé et des Droits de l’Homme) fils Kourgui et témoin de cette crise et Sa Majesté OUMATE mis en cause, sont nos deux invités. Les deux Interviewes qu’ils nous accordent ci-dessous publiées ont le mérite de faire comprendre les dessous plus ou moins lointains de la crise.

ENTRETIEN

ODH : M. ABBA DOUDGJE que peut-on retenir en quelques mots des causes de l’incident qui oppose les Podokos aux Mandaras ?

 ABBA DOUDGJE : Mais non, ne parlons déjà pas d’un incident interethnique. Nous n’en sommes pas à ce stade. C’est vrai que les populations de Makoulahé sont entièrement des podokos, mais parallèlement le Chef de Kourgui, principal responsable de la crise n’est pas aux commandes exclusivement des populations Mandaras. Il y a à Kourgui des fils Podokos, moudang, massa, toupouri, etc.….Et revenant aux origines de la crise, il faudrait bien retenir qu’au fil de notre histoire, ce n’est pas la première fois que tels incidents surviennent. L’implantation du Poste Agricole de Kourgui, fit l’objet il y a plusieurs années de crises entre les deux villages. Makoulahé estimant que le lieu d’implantation de ce poste relevait de son territoire. Attitude réfutée par Kourgui. La dernière crise naît aussi de trois faits majeurs posés par le Chef Oumaté. Dans un premier temps, il conteste le lieu d’implantation des plaques d’une ONG qui servirait les intérêts de Makoulahé. Par la suite, il les déracine, les emporte et mobilise ses populations contre celles du village Makoulahé dans ce qui pourrait s’apparenter au déclenchement d’un conflit.

L’attitude du Chef OUMATE est-elle assez suffisante pour justifier cette vive tension ? Ne devrait-on pas soupçonner autres motifs cachés derrière cette crise ?

A ma connaissance, il ne devrait pas exister des motifs cachés derrière cet incident. Les faits parlent d’eux-mêmes. La force ne crée pas le droit. L’acte posé par le Chef OUMATE est impoli, inacceptable et juridiquement une infraction. De ce point de vue, il est moralement responsable de tout dégât qui serait survenu de cette crise. Avait-il besoin d’arracher ces panneaux ? Que veut-dire « le territoire de Kourgui » à l’intérieur d’un Etat de droit ? Il appartient exclusivement aux  Chefs de Terre (Sous-préfet, Préfet, Gouverneur, Minatd) de constater et de gérer les crises foncières.  Un chef de village, bien qu’étant auxiliaire de l’administration sert d’interface, devrait connaître ses limites dans l’action publique et ne devrait pas prendre de décision aussi grave et brutale au point d’opposer des communautés villageoises.

D’autres langues soutiennent que les podokos ont l’art de prendre le corps, lorsqu’on leur tend le bras et qu’en agissant de la sorte,  Sa Majesté Oumaté semblait voir derrière  ces Enseignes des idées annexionnistes des podokos, qui attendaient le moment pour se matérialiser… ?

Ce sont là des balivernes. Que devient le  vivre ensemble ? S’il fallait voir les choses sous cet angle, les bamilekés n’auraient jamais par leur effectif et donc leurs voix, réalisé l’exploit de diriger plusieurs Communes à douala ; l’un des  Sénateurs UNDP du Wouri ne serait pas Bamileké, etc. Et un peu plus au-delà, Mme la dirigeante de la francophonie, n’aurait jamais été Présidente du Canada, malgré la couleur de sa peau noire et ses origines Haïtiennes. J’en viens à dire que mon Chef devrait limiter au maximum ses gesticulations et solliciter conseils avant d’agir…L’exercice du pouvoir traditionnel ne devrait pas inhiber le bon sens qui sous-tend toute action réfléchie. Etre chef, c’est diriger. Mais diriger, c’est aussi avoir la capacité d’anticiper. Or, comment peut-on anticiper si l’on est mal entouré ? Comment le ferait-on si d’emblée on jure être un « sabitou » (ndlr : savant) ? Le pays traverse une période délicate de son histoire. La sécurité est fragile et nécessite une forte mobilisation des énergies autour du gouvernement. Faire déplacer un sous-préfet pour des erreurs infantiles comme celles-là devrait être évité. Ce n’est pas le moment de distraire les masses. Toute maladresse peut être mal interprétée à défaut de porter en elle-même, des germes d’un conflit inutile.

Droit de Réponse de Sa Majesté  OUMATE

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Sa Majesté OUMATE ( photo archives)

ODH : Sa Majesté, vous êtes indexé par plus d’une personne comme étant celui-là qui a déclenché cette crise inutile entre les podokos et votre ethnie mandara…Que peut-on retenir de votre implication ?

Sa Majesté : L’acte que je pose n’a aucunement pour motif d’opposer nos populations. Je constate que deux Enseignes d’une ONG sont plantées à Kourgui, et signalent être placées à Makoulahé et Gouvaka, deux villages voisins du Canton Podoko. Je trouve cela anormal pour  trois raisons :

  • Aucune flèche sur la plaque, n’oriente tout usager étranger vers Makoulahé ou Gouvaka. Ce qui signifie tacitement que ces deux plaques sont bel et bien à Gouvaka et pour lequel coin, Makoulahé serait un élément.
  • L’implantation de toute plaque, fut-elle d’une ONG et surtout sur la place publique est régie par des textes gérés sauf erreur de ma part par la Mairie. Or, matériellement je n’en ai pas été informé ni par la Mairie, ni par les officiels de cette ONG.
  • Mes deux prédécesseurs ont connu par le passé, des crises assez douloureuses avec les podokos et toujours pour des raisons de délimitation territoriale.  Ce qui m’oblige à les éviter à ma manière.

Pourtant, vous auriez dit à vos sujets de prendre coutelas, flèches, gourdins et autres armes blanches pour affronter le désormais adversaire qu’est le Podoko de Makoulahé ?

Ce sont toujours des mensonges qu’on vous raconte. A quel moment se sont produits les faits ? Entre les panneaux que j’arrache, la mobilisation de mes sujets, l’arrivée du Sous-préfet, l’incident , etc. A quel moment précis, ai-je dit aux gens de s’armer ? Ce sont les makoulahé qui ont alerté le sous-préfet. Celui-ci est arrivé sur les lieux avant moi et les populations de kourgui (je précise populations à ne pas confondre avec quelques curieux venus de kourgui que l’on pouvait compter facilement). Et je peux vous rassurer que les fils Kourgui se sont plutôt alignés à la logique belliqueuse des podokos. Ce ne sont pas les kourguis qui les premiers ont brandi la menace armée.

Il y a pourtant eu échauffourée, même en présence du sous-préfet ?

C’est vrai. Mais dites-moi laquelle des populations de Makoulahé  et Kourgui armées, répondait-elle à la provocation ? Pensez-vous que le seul fait d’arracher ces panneaux suffit à avoir mobilisé mes sujets porteurs d’armes ? Fallait-il engager une guerre contre Makoulahe ? Pourquoi n’ai-je pas pris soin de me faire accompagner de guerriers au moment où j’arrachais les deux panneaux ? La thèse de la confrontation n’est pas de moi. J’ai agi en dégageant deux plaques. Makoulahé a réagi en brandissant des armes. C’est clair et c’est tout.

Il vous est prêté le fait d’avoir demandé à vos sujets et à quelques Agents de Comité de Vigilance, d’empêcher les fils de makoulahé, d’avoir accès aux club de bil-bil, arki, au marché et de s’abreuver aux bornes fontaines…N’est-ce pas gravissime ?

Avez-vous appris qu’un seul fils de Makoulahé a été inquiété depuis ce jour-là ?

Si vous remettez en question votre responsabilité derrière le dernier incident, il y a néanmoins des actes peu honorables qui ne vous honorent pas… La dernière visite du Sous-préfet dans votre village est précédée d’actes de vandalisme que vous avez perpétrés à ciel ouvert..

Ecoutez ! je vous vois venir… les vieilles habitudes ont la peau dure, ne dit-on pas ! J’ai instruit la veille de la visite du Chef de Terre, que la voie qu’il allait emprunter fut nettoyée et libérée, ne serait-ce le temps qu’allait durer sa visite. Mais voyez-vous, au moment du contrôle et ce, à quelques minutes de l’arrivée du Sous-préfet, je me rends compte que certaines gens étaient installées là où, j’avais proscrit. Alors qu’auriez-vous voulu que je fasse ? Ce n’était pas du vandalisme, puisque j’avais simplement dégagé tout ce qui encombrait la voie qu’allait emprunter le sous-préfet. A Yaoundé, le Délégué du gouvernement dans la logique d’embellissement de la ville, casse tout et impose l’autorité de l’Etat. Pourquoi à Mora, la venue d’un sous-préfet dans un village, ne devrait-elle pas au minimum des actions possibles, être entourée au moins de politesse, d’hygiène, de salubrité, d’humilité ?

 

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