La chefferie de 3è degré de Koza est au cœur d’une situation explosive qui pourrait avoir d’incalculables retombés sur la paix civile. En effet, comme nous l’apprend M. PARDAPA ZANADI notre Visiteur, une élection du chef crédible, sans heurts et à la régulière s’est tenue le 25 Août 2015 à l’esplanade de la Chefferie de Canton de Koza. Ce scrutin hautement disputé mettait à l’épreuve sept Candidats, dont l’actuel gouverneur de la Région de l’Adamaoua, fils de la localité. A l’issue de cette consultation observée de bout en bout par le Sous-Préfet, le Chef de Canton, le responsable d’Elecam et naturellement les responsables de la force publique, M. PARDAPA ZANADI est déclaré vainqueur. Et comment arrive-t-on à la crise actuelle qui a pour épicentre la reprise de ladite élection ce 12 janvier prochain avec l’exclusion de la course, le vainqueur d’hier ?
Deux Entretiens édifiants
ENTRETIEN N° 1
SM PARDAPA ZANADI, vous vous dites élu de la Chefferie de Koza et déçu de ce qui se trame autour de votre victoire…Dans les faits qu’est-ce qui s’est passé ?
21 Djaoro (notables et Chef de 3è degré) de Koza, des Ministres de Culte et Imam, reconnus comme électeurs conformément aux us et coutumes mafa, ont porté leur choix sur moi le 25 Août 2015. Parmi les perdants, l’actuel gouverneur de l’Adamaoua. Tout s’est déroulé dans le calme et sans la moindre résistance des perdants. En tout cas, apparemment. Curieusement, j’apprends que cette élection sera reprise le 12 janvier prochain et surtout que je ne suis plus éligible. Comment et pourquoi ? Aucune réponse du sous-Préfet qui ne m’a jamais notifié des raisons de l’annulation (je suppose, puisque tout est à reprendre) du scrutin…
L’Intronisation par le 1er Assesseur à la Cour du Chef de Canton de Koza
Sur quoi reposent les arguments qui militent en faveur de votre victoire du 25 Août 2015 ?
Il y a des observateurs officiels de cette élection qui certes peuvent faire volte-face, le Collège électoral aujourd’hui mobilisé en ma faveur et les photos ci-contre où le sous-préfet et le Commissaire de Police me congratulent en présence des Chefs traditionnels assis en arrière-plan.
Quelles sont selon vous, les raisons plus ou moins officielles de l’apparente annulation de votre victoire ?
Je n’ai pas autre chose à dire que de soupçonner la volonté inouïe du gouvernement d’imposer M. KIDALDI TAGUIEKE BOUKAR, le gouverneur de l’Adamaoua, comme nouvel élu. C’est apparemment l’alchimie qui sous-tend cette malheureuse bataille qui n’aura qu’une issue fâcheuse.
Pourquoi le gouverneur de l’Adamaoua et pas un autre ou encore votre dossier entaché d’irrégularités, puisque d’emblée, une source bien introduite nous a signifié que vous n’êtes pas issu de la lignée royale. Ce qui veut dire que vous êtes inéligible ?
(Sourire narquois) c’est de la distraction. Je vais vous dire qui est inéligible et pourquoi je suis éligible et le serai toujours :
- Mon grand-père KAJOUDI GUIDAIDAI mort en 1966, fut le premier chef de 3è degré de Koza. Ceci est suffisant pour faire faiblir les arguments des vendeurs d’illusion mal renseignés.
- Les Candidats inéligibles sont KIDALDI TAGUIEKE BOUKAR et ses deux autres frères Candidats (BOUKAR MASSAMA et MAMOUDOU GUIBAÏ). Je vais vous dire pourquoi :
- TAGUIEKE TIRI leur père fut destitué suite au pillage du grenier communautaire et extorquassions des biens des populations dont il fut reconnu responsable.
- Il fit l’objet d’une condamnation à deux ans de prison ferme en 1972. ( les archives des Tribunaux de Mokolo conservent les traces de cette histoire).
- De ce qui précède, je ne pense pas que le fils d’un monarque destitué pour faute aussi grave, puis embastillé sous le regard moqueur de ses sujets, devrait prétendre se faire élire à ce niveau. Sauf mauvaise appréciation de ma part !
- L’Article 17 (1) du décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant sur l’organisation des chefferies traditionnelles stipulent que « le chef doit nécessairement résider sur son territoire de commandement. » Sur ce point, Hamadou Service et le Gouverneur, n’ont jamais résidé de manière régulière dans la ville de Koza.
Pourquoi n’aviez-vous pas émis ces réserves avant le scrutin qui selon vous, vous a porté aux commandes de la chefferie querellée ?
Je suis pacifiste et estime que la victoire à une élection comme la nôtre dépend beaucoup plus de certaines aptitudes que du titre que l’on porte. J’aurai été lâche, si j’avais exposé ces réserves d’ailleurs connues du collège électoral. Or, à regarder dans ces détails aujourd’hui se justifie par un réflexe de défense face à une machine administrative sans arguments, sans convictions mais prête à tout détruire sur sa voie.
Pensez-vous que les vôtres (arguments) soient aussi forts pour faire plier cette « machine » ?
Pourquoi pas ? Observez un autre détail. Nos us et coutumes stipulent que ne peut être électeur à ce stade, qu’un DJAORO ou notable. Les 21 notables qui m’ont élu le sont depuis longtemps et leur légitimité n’a jamais été contestée avant, pendant et après 25 Août 2015. Mais suivez mon regard. Ils sont disqualifiés pour l’élection du 12 Janvier prochain. Demandez-moi qui seront les électeurs ? Vous comprendrez que le plan machiavélique mis en marche ignore les textes et bafoue nos valeurs ancestrales. C’est assez grave pour ne pas susciter notre colère.
Quelles dispositions avez-vous prises pour dénoncer ce que vous dites ?
Nous avons écrit au Préfet du Mayo-Tsanaga et amplié aux autorités locales. Mais à quoi devrait-on s’en attendre, puisque ce n’est pas la première fois que nous réagissons à l’endroit de ces responsables qui apparemment n’ont pas daigner s’interposer dans le cours de cette affaire.
Vos attentes ?
A travers votre tribune nous souhaitons que cette opération injuste et infâme n’ait pas lieu. L’injustice ne passera pas. Nous y veillerons par des voies pacifiques.
ENTRETIEN N° 2
OUMATE MADI, vous avez suivi de bout en bout l’entretien que vient de nous accorder M. PARDAPA ZANADI. Celui-ci se présente comme l’heureux élu de votre chefferie. Vous avez manifesté des signes d’impatience pendant cet Entretien. Alors que peut-on retenir de vos frémissements ?
(sourire) La situation telle que décrite par M. PARDAPA ZANADI n’est que l’issue certaine d’une mission peu honorable que le Sous-Préfet semble déterminé à accomplir. Puisque le candidat battu que je suis à l’élection du 25 Août dernier, n’est pas éligible à la même élection qui sera reprise le 12 Janvier prochain.
Que vous a dit le sous-préfet à ce sujet ?
Il m’apprend que mes six mois d’incarcération à la Prison Principale de Mokolo m’excluent de la course.
Mais pourquoi en êtes-vous donc surpris dès lors que votre Casier Judiciaire est « sale », permettez-moi cet adjectif ?
Je ne suis pas surpris, mais comprends pour 4 raisons, pourquoi les adversaires d’en face s’agitent de:
- Une détention provisoire suivie d’une remise en liberté sans condamnation n’a pas à ma connaissance un effet néfaste sur mes aspirations politico-civilo-juridiques.
- Je présume que mon activisme dans l’opposition politique, peut en réalité justifier ce qui m’arrive.
- En évoquant mon casier judiciaire d’ailleurs sans tâche, les frères d’en face croient masquer leurs craintes de voir un opposant politique gagner la chefferie et devenir de fait, le chef traditionnel de ces hauts fonctionnaires de la république, tous membres du parti au pouvoir.
- En toute objectivité, il faudrait même en amont se demander ce qui m’a conduit aux portes de cette prison pour comprendre que je ne suis pas un citoyen de mauvaise réputation…
Dites-nous comment vous vous y êtes retrouvé ?
En tant que défenseur des droits humains, père de famille, éducateur, je n’ai pas admis qu’une fille de 14 ans à l’époque dont je tais le nom, ait été violée par un gendarme dont je tais aussi le nom. Étant la personne à qui cette fillette s’était adressée en premier, je pris sa défense. Mais grâce au pouvoir de l’argent, l’affaire avait tourné autrement et je m’étais retrouvé en prison pour diffamation. Et la suite ? C’est la conscience de cet irresponsable qui continuera à la juger.
Par rapport à votre éviction de la course de cette élection, qu’entendez-vous faire ?
Nous allons veiller à ce que l’imposture ne soit pas validée. C’est tout !!!
Propos recueillis le 09 Janvier 2016
Par, ISSA MOHAMADOU