DRÔLE D’HISTOIRES, MAIS AUSSI DRÔLE DE GENS !
Il est environ 23h le dimanche 26 Juin 2016 dernier, lorsqu’une dizaine de policiers saute sur un domicile, bouscule le portail et y déloge seize jeunes, presqu’îvres de sommeil. L’opération d’une extrême rapidité s’achève sur les lieux par la confiscation de la CNI du maître des lieux, à qui les policiers demandent avec vaine insistance de les suivre. Il est à préciser que la ponctuation qui suit cette barbarie, permet aux mêmes policiers de brutaliser une autre personne qui passait.
Drôle d’histoires, mais aussi drôle de gens ! La particularité de la scène nous encourage à publier in extenso l’entretien téléphonique que les sieurs ADAM et JIGLA nous ont accordé le lendemain dans l’après-midi. Mais avant, la liste des seize.
Noms | Age | Occupation | |
1 | Baba Simon | 12 ans | Elève en vacances |
2 | Beche Haya | 14 ans | Elève en vacances |
3 | Bouba Kondjebe | 16 | Débrouillard |
4 | Doué Abel | Elève en vacances | |
5 | Emma Moussa | 15 | Débrouillard |
6 | Goda Mokolo | 14 | Elève en vacances |
7 | Gwadi Sally | 13 | Elève en vacances |
8 | Kamba Wadawa | 14 | Elève en vacances |
9 | Kodoha Doué | Elève en vacances | |
10 | Lada Jean-paul | 15 | Débrouillard |
11 | Malapa David | 17 | Débrouillard |
12 | Mberza Noé | 14 | Elève en vacances |
13 | Mouchi Pierre | Elève en vacances | |
14 | Namano Issa | 14 | Elève en vacances |
15 | Ndevata Boukar | 17 | Débrouillard |
16 | Vigue Esaie | 14 | Elève en vacances |
Observation :
- 5/16 sont débrouillards ;
- 11/ 16 sont des élèves arrivés pour la plupart de Mora et qui essayent de s’occuper pendant les vacances, quitte à pouvoir s’acheter le nécessaire dès la rentrée scolaire.
- Moyenne d’âge : 15 ans
ENTRETIEN AVEC M. ADAM ( R.I.P )
Que peut-on retenir de votre Identité
Je suis débrouillard, Étudiant en Soins Infirmiers au Tchad et surtout frère, époux et père de famille. Voilà le moins que je dirai.
Qu’est-ce qui s’est passé hier nuit ?
Je suis perturbé par un bruit peu ordinaire autour de 23h. En fait des policiers dirigés par l’Officier de Police TEWECHE violent l’enceinte de mon domicile, sans mandat, sans arguments et embarquent seize jeunes enfants couchés dans ma cour. Mais en plus, arrachent ma CNI et l’emportent.
Avec un peu de recul, que reproche-t-on à ces jeunes et qui sont-ils pour vous ?
Je n’en sais rien et les hommes forts d’hier n’en ont rien dit. Quant à mes relations avec eux, je dirai simplement qu’ils sont proches ou amis du jeune HAYA que j’emploie pour des petits travaux chez moi. Ayant trouvé un espace ouvert chez moi, ils y passent quelquefois des nuits, sans que cela me gêne quoi….
S’il advenait qu’ils fussent des bandits, ne pensez-vous pas que cela vous coûterait autrement ?
Attendons qu’ils soient déclarés tels et je me défendrai. Convenez avec moi que les besoins d’hospitalité et la nécessité de le faire, ne reposent pas sur des calculs. HAYA chez moi est sérieux. J’estime jusqu’à preuve du contraire, que ses amis ou frères qu’il amène chez moi, seraient des enfants de bonne moralité. Et pourquoi les chasserai-je alors que dans le fond, mon hospitalité leur est d’une importance inestimable ? Il y a pire ailleurs.
Ils sont embarqués, conduits au Commissariat Central de Kousseri et votre CNI saisie, et après ?
Quatre faits majeurs me font rire.
- Autour de 08h ce matin, l’Officier de Police Mamoudou m’apprend que l’Officier de Police TEWECHE l’a chargé de me dire de passer libérer mes seize enfants placés en garde-à-vue.
- Autour de midi, les seize sont libérés grâce à l’intervention de deux de leurs proches ( Lamara et Wadawa) qui parviennent à réunir et à remettre aux policiers, la somme de quarante-huit mille francs (48.000F), exigée en contrepartie de leur libération.
- Le jeune MALAPA, onzième dans la liste ci-dessus m’apprend autour de 13h que l’Officier de Police TEWECHE l’a chargé de me dire de passer récupérer ma CNI, faute de quoi lui-même viendrait chez moi.
- J’ai été refoulé au pont Ngueli ce matin, pour faute de CNI. J’allais au Cours.
Qu’est-ce qui est rigolo jusque-là ?
Au départ, il envoie son collègue me dire de passer libérer les enfants, après c’est ma CNI aux risques qu’il débarque. Soyons élégants. Qu’il me convoque, me signifie les raisons pour lesquelles il a violé mon domicile de nuit, les motivations qui justifient l’arrestation des enfants et leur mise en liberté quelques heures plus tard sans audition, mais contre rançon…Et ma CNI, pourquoi la conserve-t-il ?
Qu’entendez-vous faire présentement ?
Je suis respectueux des autorités et souhaite que MM. le Préfet et le Commissaire Spécial aient la primeur de cet entretien. Ensuite j’attendrai de M. TEWECHE la restitution de ma CNI et des 48.000F insidieusement arrachés des mains de débrouillards. En plus des excuses pour le tord je subis. Je ne pourrais plus aller aux Cours, faute de CNI exigible au Poste Frontière. Cela me coûte cher et hypothèque mes projets. Faute de quoi, je prendrai sur moi le devoir de faire entendre ma voix ailleurs et autrement.
NB : Au moment où nous publions cet entretien (Vendredi, 1er Juillet 2016 ), la CNI n’est pas restituée
ENTRETIEN AVEC M. JIGLA
Qu’est-ce qui s’est passé et que faisiez-vous sur la voie publique après 22h ?
Je suis commerçant et comprenez que pendant le jeûne du ramadan, c’est dans la nuit que nous vendons plus. En plus, il n’est pas interdit, du moins pour ces derniers temps d’être dehors tard dans la nuit.
Qu’est-ce qui s’est donc passé hier dans la nuit ?
Je revenais du marché, lorsque devant moi, j’ai aperçu des policiers. Au fur et à mesure que je me rapprochais d’eux, je prenais des dispositions pour leur présenter ma Carte. C’est tout ce qu’ils demandent. Mais à ma surprise, au moment de leur présenter cette Carte, ils se sont mis à me boxer.
Pouvez-vous les reconnaître physiquement après cet incident ?
Bien sûr que oui. C’est d’ailleurs les mêmes gens qui ont embarqué les enfants chez M. ADAM.
Qu’entendez-vous faire ?
Vous savez, ils ont versé mon sang. Regardez mon visage, il est déformé et la blessure que vous voyez est encore fraîche…En portant plainte, c’est mon temps que je perds. Je vais jeûner et prier pour que Dieu s’occupe d’eux.
Propos recueillis et transmis par Kaizer XAMELY
Fait à Maroua, le 02 Juillet 2016