HÔPITAL DE KOLOFATA ET LA GESTION D’UNE AUTRE ÉPOQUE
Voici au moins dix ans que l’hôpital de KOLOFATA[1] défraie la chronique. La directrice Dr HELLEN EINTERZ, de nationalité américaine y étant perçue pour certains comme une tortionnaire, alors que d’autres voient en elle, tous les indices d’une néo-colonialiste et négrophobe viscérale. Des anecdotes qui nous rappellent l’œuvre à succès Une Tempête d’Aimé Césaire. A la seule différence qu’ici, il n’est point besoin d’une révolution « Calibaniste » Contre le Dr Ellen, doublure de Prospéro, mais d’un essai de solutions incarnées par le « lâche » et pacifiste Echu.
Dans tous les cas de figure, nous avons choisi de donner la parole à un employé de cet hôpital, témoin au quotidien de ce qui se trame dans cette formation hospitalière. Il est Camerounais, fils de la région. Toutefois, pour des raisons de sécurité, nous lui avons donné dans le cadre de cet entretien, un pseudo qui n’est autre que NDA’MENO. Celui-ci nous révèle de manière froide, l’expérience pathétique des patients et du personnel de cette structure, obligés de se plier aux risques de payer autrement leur insubordination.
ENTRETIEN
PSYDH : C’est facile de pointer du doigt la directrice de votre hôpital, mais pensez-vous que si elle avait été incompétente et surtout coupable des charges qui lui sont toujours à tort ou à raison imputées, dirigerait-elle encore cet hôpital ?
NDA’MENO : Les Camarades que je représente et moi, n’avons aucun intérêt à diaboliser notre directrice qui déjà comme nous, n’est pas parfaite et qui plus est a d’énormes qualités. Cependant faut-il pour cela se taire face à ses dérives et manquements ? Je ne pense pas et c’est pour cela que nous sommes obligé de dénoncer ce qui est injuste quitte à ce que, le gouvernement prenne sur lui le devoir de vérifier.
Il y a tellement des choses que l’on a entendu qu’à ce jour, nous nous bornerons à vous demander ce qu’il y a de nouveau….
Rien de nouveau, mais simplement l’explication de ce qui a souvent été mal compris. Je m’en vais vous présenter les faits sous six points à savoir : La gestion du personnel, des malades, des cadavres, de la pharmacie, de la logistique et des finances…
- De la gestion du personnel : La considération due à tout être humain y est piétinée. Tout est réuni pour que le moral du personnel soit au niveau le plus bas. (a) Un cas qui reste vivant dans mon esprit est celui du Docteur Daniel NKUNSU, chirurgien qui s’est vu expulser, je dirai radié de l’effectif de cet hôpital au dernier trimestre de l’an 2012, alors qu’il se préparait dans les instants qui suivaient à procéder à deux opérations chirurgicales. Il s’en suit une violation inacceptable de son bureau qui est éventré puis vidé….(b) A niveau égal, responsabilité identique, catégorie idem, elle divise le personnel en deux camps opposés et à l’un elle donne de gros salaires, à l’autre moins. (c) Aucun employé de cette structure n’est affilié à la CNPS. Rien n’y est rassurant. Papa AOUZA et ALI le gardien y ont passé plus de 20 ans de service et au bout du compte, ils ne perçoivent que 20 et 30 mille francs de salaire mensuel.
Quelles actions avez-vous entreprises dans le sens de dénoncer ces manquements ? Suffit-il d’en parler, alors que la loi vous donne des moyens de recours ?
En décidant de nous rapprocher de vous, c’est justement parce que l’Administration que nous avons toujours saisie est restée de marbre au point où, nous en sommes à nous demander si ces autorités n’ont pas seulement peur de notre Directrice ……C’est vous dire que nous avons toujours fait des efforts, lesquels sont restés sans suite depuis bien des années. Revenant à la logique de mon explication en six points, permettez que j’aborde le deuxième point.
- De la gestion des malades : (a) Tout malade qui arrive en consultation doit payer d’avance une caution supérieure à sa facture. Celle-ci doit être soit en nature, soit en espèces (objet de valeur), (b) En maternité, la paire de gants réservée pour accoucher une femme, est utilisée pour deux à trois accouchements, exposant de fait ces femmes à toutes sortes de contamination. Et pourtant, une femme qu’on accouche verse quatre mille francs, contre cent cinquante francs, le coût d’une paire de gants. C’est du Capitalisme brut et sauvage qui ne respecte pas la vie humaine. (c) Autres cas de figure, c’est la Canadienne Myra qui exige que le réservoir d’eau de l’hôpital soit nettoyé à l’aide des serpillères (régulièrement imprégnées de sang) à usage à la maternité, alors que le magasin en contient des plus neuves. (d) Une autre scène criminelle me rappelle l’insensibilité de notre Directrice qui sans état d’âme se fiche de tous. Voyez-vous qu’à Kolofata, il arrive que des patients soient sous oxygénothérapie, dans une formation hospitalière qui fonctionne avec un groupe électrogène.. Toutes choses qui exigent une permanence de l’électricité jusqu’à ce que les patients concernés soient libérés. Mais curieusement, ce n’est pas le cas. Lorsque le boulot du Docteur Ellen prend fin en journée, ordre est donné pour que le groupe électrogène soit éteint. Ceci au mépris des patients qui meurent sans la moindre compassion de cette dame.
Depuis quand durent ces scènes ? Croyez-vous les avoir réellement dénoncées ? Peut-on avoir la liste des personnes décédées alors qu’elles étaient sous oxygénothérapie ?
Depuis de lustres. Depuis que Docteur Ellen est en poste, toutes ces dérives sont en vigueur et c’est toujours avec surprise que nous constatons le silence des autorités régulièrement saisies et qui n’ont jamais réagi.. A propos de la liste des victimes, je promets qu’une enquête la retrouvera sur place. Je m’abstiens d’en citer pour des raisons purement religieuses, mais confirme que ces victimes sont connues de nous tous. Après la gestion des malades qui est tout sauf humaine, voici un autre volet :
- De la gestion des Cadavres : Tout y passe. Un malade qui décède avec des arriérés est gardé à l’hôpital, jusqu’à remboursement de la dette. Quelquefois, des cadavres en décomposition avancée sont restés conservés dans de très difficiles conditions.
- De la gestion de la pharmacie : (a) C’est à la communauté locale de gérer la pharmacie. Mais dans la réalité, c’est le Docteur Ellen qui y est toujours aux commandes. Des produits interdits de vente au Cameroun et d’autres déjà périmés sont illégalement vendus aux patients (b) Les dons en médicaments du gouvernement camerounais aux enfants malnutris ne leurs sont pas distribués. En plus, les produits de marque I.D.A (International Dispensary Association) destinés aux dons, se retrouvent dans le circuit des ventes.
- De la gestion logistique : (a) Tout don offert par l’Etat ou tout organisme est stocké et s’use à longueur du temps. Cas des motos sports, Vélos, seaux en plastique, autres matériels, etc. (b) Un forage offert en 2014 par l’ambassade d’Arabie Saoudite est aujourd’hui en panne, après moins d’un mois de fonctionnement. Curieusement, le Dr Ellen refuse de le dépanner.
- De la gestion des finances : (a) Le Dr Ellen n’a jamais déclaré ses recettes au trésor (b) Le personnel n’a jamais perçu les recettes affectées à leurs côtes part. Lorsque les infirmiers réclament cet argent, elle déclare : « Cet argent est à ma disposition, j’en fais ce que je veux». (b) Au moment de partir du Cameroun en Juin 2014, elle a confié à ses complices, un coffre-fort dans lequel, les recettes sont jetées à travers une fissure bien aménagée. Sur une autre facette, se trouve une petite fenêtre cadenassée, qui sert d’extraction des recettes injectées…(c) Avril 2016, le constat de vol est fait et une commission de l’hôpital mise en place pour évaluer les dégâts. Au sortir de ses opérations, la Commission déclare la disparition de seize millions de nos francs. Une action dès lors est déclenchée au niveau de la Brigade de gendarmerie qui est saisie. L’enquête suit son cours.
Pensez-vous qu’elle soit intouchable jusqu’à ce point ?
Difficile de vous répondre. Mais demandons-nous pourquoi les autorités de Mora et régionales de Maroua n’ont jamais réagi à nos appels ? Demandez-vous pourquoi le Dr NKUNSU n’a jusqu’à lors pas eu gain de cause au niveau de la Justice, après tout le tort, preuves à l’appui, qu’il a subi de cette dame ? C’est comprendre qu’elle a ses affidés dans la machine gouvernementale qui la protège et laisse faire….Raison une fois de plus pour nous, de solliciter votre tribune, afin que tout soit connu et dit, dans l’espoir d’une suite heureuse pour le personnel de cet hôpital qui compte parmi les moins encadrés du pays…. Je vous remercie.
Propos recueillis par
Emmanuel MOMO
Le 28 Avril 2016
[1] Arrondissement de KOLOFATA, Département du Mayo-Sava, Région de l’Extrême-Nord